Il y a quelques temps, je lisais un livre de Lewis Mehl-Madrona, « la Médecine narrative« , où l’auteur exposait certaines pratiques de guérison amérindiennes.
J’avais été marqué par une technique qui consistait à poser au malade 4 questions. De ces questions, et des réponses qu’on pouvait y apporter, découlaient la santé ou la maladie.
Les questions étaient :
- Qui es-tu ?
- D’où viens-tu ?
- Pourquoi es-tu là ? (dans d’autres systèmes indigènes, cette question a une variante : « Quelles sont tes responsabilités ? »)
- Où vas-tu ?
Je n’étais pas malade, mais je me suis aussitôt attelé à répondre à la première question :
« Qui suis-je ?«
A mon grand étonnement, j’ai constaté que je n’arrivais même pas à me décrire physiquement. En effet, chaque fois que je me vois dans un miroir, j’ai toujours un temps de trouble, d’adaptation, comme si ce visage renvoyé par la glace est non seulement un masque passager, mais aussi arbitraire.
Il faut dire que je change de tête sans arrêt…
Par exemple :
J’ai donc laissé tomber cette première piste pour m’engager dans une autre voie : j’ai tenté de me définir par mes relations.
Sur une grande feuille, j’ai dessiné les visages de ceux et celles qui ont marqué mon existence. Après tout, je ne suis peut-être que la somme de ces influences, de ces présences qui me peuplent et qui parfois se battent à l’intérieur de moi.
En plus des visages d’êtres humains, j’ai glissé quelques portraits de personnages de contes ou de BD, quelques amis imaginaires, des lieux importants pour moi…
Voici ce que ça donnait :
Note : si vous vous reconnaissez dans ce dessin, surtout ne vous vexez pas : j’ai conscience d’avoir raté un bon nombre de portraits ! Ce qui garantit aussi l’anonymat !
Ce portrait des multitudes intérieures était nécessairement incomplet.
Je me suis dit que les lieux m’avaient façonné au moins autant que les gens, et j’ai entrepris de réaliser un deuxième tableau pour les évoquer. C’était étonnant d’essayer de dresser les plans de maisons où je n’avais plus mis les pieds depuis l’enfance, ou de lieux purement fictifs dans lesquels j’aimais à me promener jadis.
Le résultat ne me satisfaisait pas complètement : Tout d’abord, j’étais peut-être davantage en train de répondre à la question « d’où viens-je ? » qu’à « qui suis-je ? ».
Et puis, n’étais-je que le produit de toutes mes relations ? N’existait-il pas aussi, quelque part, un visage plus fondamental, originel – le visage de mon âme ?
Une nouvelle piste m’est apparue.
Ne suis-je pas le tissu vivant de mes peurs et de mes désirs ? Mon identité niche à coup sûr dans mes mouvements de recul, mes évitements, mes attractions…
Cet inventaire-ci était plus troublant, il demandait une grande honnêteté.
J’en parlerai peut-être… une prochaine fois !